Nous recherchons Jésus... 

Mythe ou réalité!

3.3. Les sources documentaires 

3.3.1 Les sources romaines 


Les historiens latins ne parlent qu’occasionnellement des premiers chrétiens et de leur foi, et tout à fait indirectement de leur maître. 

a) Le document le plus ancien est une lettre de Pline Le Jeune, légat de l’empereur en Bythimie. Vers 111-113, il écrit à l’empereur Trajan pour lui exposer l’attitude qu’il a adoptée envers les chrétiens et lui demander conseil. 


Voici la règle que j’ai suivie envers ceux qui m’étaient déférés comme chrétiens. Je leur ai demandé s’ils étaient chrétiens. Ceux qui répondaient positivement, je les ai interrogés une deuxième, puis une troisième fois, tout en les menaçant du supplice; ceux qui ont persisté dans leur réponse, je les ai fait exécuter... Par le seul effet des poursuites, le crime, comme il advient souvent, a révélé l’ampleur de son étendue et plusieurs espèces se sont présentées. Un billet anonyme, contenant de nombreux noms, m’est parvenu. Ceux qui ont nié être ou avoir été chrétiens, j’ai estimé qu’il fallait les relâcher, après qu’ils aient invoqué les dieux à ma suite et prié par l’encens et le vin ta statue que, dans ce but, j’avais fait apporter avec celle des divinités; de plus, ils avaient maudit le Christ, toutes choses auxquelles, dit-on, on ne peut amener par force ceux qui sont vraiment chrétiens... 

D’autres, nommés par l’indicateur, ont dit qu’ils étaient chrétiens, et bientôt se sont rétractés, disant qu’ils l’avaient été mais qu’ils ne l’étaient plus, les uns depuis trois ans, d’autres depuis plus, certains depuis vingt ans. Tous ceux-ci ont vénéré ta statue et les statues des Dieux; ils ont également maudit le Christ. Toute leur faute ou toute leur erreur, ont-ils confessé, s’était bornée à se réunir habituellement à date fixe, avant le lever du jour et de chanter entre eux un hymne à Christ comme à un Dieu; ils s’engageaient aussi par serment non pas à accomplir tel ou tel crime, mais à ne point commettre de vols, de brigandages ni d’adultère, à ne point revenir sur une foi jurée, à ne pas nier un dépôt réclamé... (Lettre de Pline à Trajan, n° 96). 


En réponse, l’empereur conseilla à Pline de refuser les dénonciations anonymes, mais de punir ceux qui persistent à se dire chrétiens. 

b) Ensuite, il y a le passage célèbre des Annales de l’historien Tacite, écrites vers 116-117, où il explique comment, soupçonné d’avoir incendié Rome en fonction de ses projets urbanistiques, Néron a détourné le soupçon en désignant à la vindicte populaire un bouc émissaire, à savoir les chrétiens. 


Pour anéantir la rumeur (qui attribuait l’incendie de Rome à l’empereur), Néron supposa des coupables et infligea des tourments raffinés à ceux que leurs abominations faisaient détester et que la foule appelait chrétiens. Ce nom leur vient de Christ que, sous le principat de Tibère, le procurateur Ponce Pilate avait livré au supplice. Réprimée sur le moment, cette détestable superstition perçait de nouveau, non seulement en Judée où le mal avait pris naissance, mais encore à Rome où ce qu’il y a de plus affreux et de plus honteux dans le monde afflue et trouve une nombreuse clientèle. On commença donc par se saisir de ceux qui confessaient leur foi, puis, sur leurs révélations, d’une multitude d’autres qui furent convaincus moins du crime d’incendie que de haine contre le genre humain. On ne se contenta pas de les faire périr; on se fit un jeu de les revêtir de peaux de bêtes pour qu’ils fussent déchirés par les dents des chiens; ou bien ils étaient attachés à des croix, enduits de matières inflammables et, quand le jour avait fui, ils éclairaient les ténèbres comme des torches. (Annales, XV, 44) 

c) Enfin, dans ses Vies des douze Césars, vers 120, Suétone évoque les chrétiens à propos du même Néron dans une série de règlements édictés par ce dernier: 

Sous le principat (de Néron) furent édictées beaucoup de condamnations rigoureuses et de mesures répressives, mais non moins de règlements nouveaux: on imposa des bornes au luxe; on réduisit les festins publics à des distributions de vivres; il fut défendu de vendre dans les cabarets aucune denrée cuite, en dehors des légumes des herbes potagères, alors qu’on y servait auparavant toutes sortes de mets; on livra au supplice les chrétiens, sorte de gens adonnés à une superstition nouvelle et dangereuse; on interdit les ébats des conducteurs de quadrige, qu’un antique usage autorisait à vagabonder dans toute la ville en trompant et volant les citoyens pour se divertir... (Vie de Néron, XVI) 

Dans ce passage, ce sont les Chrétiens, et non le Christ, qui sont mentionnés par Suétone. Celui-ci mentionne le Christ dans sa Vie de Claude. Il évoque un décret d’expulsion des Juifs daté des années 49-50: " Comme les Juifs se soulevaient continuellement, à l’instigation de Chrestos, il les chassa de Romeé ". 

Le texte de Tacite est évidemment le plus précieux, puisqu’il confirme explicitement l’exécution du Christ par le procurateur Ponce-Pilate sous le principat de Tibère. Par ailleurs, le petit nombre des témoignages est frappant. Cela tient sans doute au fait que le mouvement chrétien n’a pas encore une ampleur suffisante pour laisser davantage de traces. 

L’intérêt de ces sources latines anciennes, tout comme des juives dont il va être question par la suite, est de confirmer qu’aucun adversaire du christianisme dans l’Antiquité n’a eu l’idée de contester l’existence historique de Jésus. 


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